Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Blogue d'Alain Favaletto
31 décembre 2014

Les libertés publiques

L'enseignement des libertés publiques en faculté est une chose récente. Jusqu'aux années 50, il s'intégrait au mieux dans le cursus de Droit public général. Sa thématisation fut le reflet des préoccupations juridiques et philosophiques liées au totalitarisme nazi et accessoirement à la critique du régime soviétique. Jusqu'aux années 90, il apparaissait que le danger principal et permanent exercé sur les libertés publiques provenait du pouvoir politique et, subsidiairement, de la technique comme arraisonnement du réel et outil de domestication du monde. Heureuse époque où la puissance de l'argent n'était alors que soupçonnée dans des circonstances particulières, face auxquelles le président de Gaulle pouvait tonner lors d'une conférence de presse en 1966 que "la politique de la France ne se fait pas à la corbeille". Les mânes du général combattent-elles, dans les ombres du Palais Brogniart désormais silencieux aux petits matins des crises boursières, les lémures de spéculateurs cupides et initiés ? Toujours est-il que dans le corps social de la France d'aujourd'hui, rares sont ceux qui sentiraient dans le pouvoir politique une menace sur les libertés publiques. Certes la classe politique française, comme d'autres en Europe, s'est délestée progressivement de la mission d'exercice de la souveraineté que lui a confié le peuple à chaque élection. La quête du pouvoir politique est toujours plus rude et amère mais elle est égoïste, elle se fait pour soi, pour une carrière que l'on souhaite publique, visible, voire tapageuse. De l'exhibition au Fouquet's jusqu'à la normalité prétendue, tout n'est que mise en scène et édification des masses. Du pouvoir et de son exercice dans l'intérêt général et au profit du peuple, il n'est plus question, ou plutôt il n'en est question que lors des joutes électorales passagères. L'homme politique au pouvoir ne veut pas de pouvoir, il ne peut ni ne veut plus l'assumer, n'en a que faire, il l'encombre. Il le délègue au mieux, il le cède au pire. Le peuple souverain lui confie l'exercice de la souveraineté mais il s'en débarrasse pour être plus léger, plus volage, plus normal. Face à cela, la puissance de l'argent semble avoir raboté ce qu'il restait d'autorité au pouvoir politique. On dit que des antiquaires, à la Libération, affichait des portraits du Maréchal Pétain, sur lesquels ils plaçaient une annonce en gros caractères "VENDU". Peut-être pensaient-ils que le vieil homme s'était laissé commander par l'argent plus que par les fusils des occupants ou le cynisme de ceux qui cachaient leurs ambitions dans les plis de sa gloire passée. De quel calicot ces antiquaires, s'il leur était permis de revenir assister aux spectacles politiques contemporains, de quel calicot orneraient-ils les portraits de ceux qui pavanent sur les plateaux de télévision, émoustillant un petit peuple de partisans aveugles et sectaires ? La finance, malgré leurs dénégations, les commande et son mandat semble impératif. Nul déni de démocratie n'est plus grand que cet abandon du pouvoir que le peuple, le demos, la substance même de la démocratie, leur confie. Nulle trahison de la démocratie n'est pire que cet apprivoisement consenti, volontaire, du pouvoir politique par un capital anonyme autant qu'insaisissable. Ce sont nos libertés publiques qui sont menacées par le dessaisissement du souverain. Sous nos latitudes, le souverain n'est plus la menace, il est, par sa faiblesse, la cause d'un despotisme naissant, à la fois lointain et omniprésent.

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Blogue d'Alain Favaletto
Publicité
Archives
Publicité